Suite d'une journée où rien ne s'est terminé normalement...
Récit du début de la journée ici
Je n'ai ressenti cette peur de la mort qu'une seule fois dans ma vie : ce matin là. Alors que la rumeur disait que des avions allaient s'écraser sur Washington.
Autour de moi : des stagiaires. Sarah était scotchée devant CNN. Il régnait un calme surprenant. Le choc. Pour tous ces habitants de la capitale.
On disait également à cet instant que la Maison Blanche était en feu.
La peur a failli me dévorer toute crue. Je n'arrivais toujours pas à joindre la France. Je commençais à recevoir des mails de mes amis. "réponds-moi asap", "comment vas-tu?", "vas-tu être évacuée"....
Je m'efforçais de rassurer tout le monde, mes parents les premiers. Et personne pour me rassurer. Je reçois un mail de mon prof à l'université me demandant de rentrer immédiatement sur le campus. Or à l'ambassade, on nous recommandait de ne pas sortir. A cet instant, on se demande dans quel état on va retrouver la ville. Je me suis imaginée plein de choses (l'imagination est en sur-régime ds ces instants-là..) : pillages, incendies, voitures renversées...
Je m'empresse de répondre à mon prof pour lui rapporter les conseils donnés à l'ambassade. j'en profite pour lui expliquer que les bus ainsi que le métro ne fonctionnent plus. Il me répond en me disant de rentrer immédiatement en taxi.
J'en suis à 1/2 paquet de Dunhill. Je n'ai entendu aucune voix familière en 3 heures.
Je me décide à appeler P. aux Etats-Unis lui aussi. A l'abri. Lorsque j'entends sa voix, je tremble totalement. Il est très distant, il ne se rend pas compte de la situation. J'essaie de lui expliquer mon angoisse. Il me rassure comme il peut. Me demande des nouvelles des autres étudiants français. La seule chose dont je me souviens de cette discussion, c'est le décalage entre ce que j'essayais de lui transmettre, mon angoisse, mon émotion, ma solitude et sa désinvolture lors de ses réponses. J'en ai souffert à cet instant-là et durant les semaines qui ont suivi le 11 septembre. Il ne comprenait pas. Je me souviens d'un mail que je lui ai envoyé un peu plus tard dans la journée lui demandant comment il allait. Il m'a répondu ces quelques mots : "très bien, je vais manger!". Je ne lui en veux pas du tout. Personne n'aurait pu comprendre, à part les personnes qui vivaient l'évènement d'aussi près.
Avec Sarah, nous nous sommes décidées à rentrer, en taxi. La chance ce jour là nous envoya un taxi dès notre sortie du bâtiment. Après quelques pour-parlers avec Sarah, il accepta de nous ramener sur le campus. Il ne put nous déposer là où nous le souhaitions. Les zones de sécurité étaient déjà en place. Nous avons dû montrer notre carte d'étudiante pour rentrer sur le campus.
Je me souviens être allée directement dans la chambre d'une amie, mon lunch bag toujours à la main. Lorsque je suis arrivée, plusieurs personnes étaient là regardant CNN. N. était en train de boire une canette. Elle portait ses lunettes. Lorsqu'elle m'a vue à la porte. Elle a tout lâché et m'a sauté au cou. "Mais où tu étais!!!!!!! T'as vu l'heure!!!!!!!! On est tous rentrés depuis ce matin, tu étais où??????". Je lui ai expliqué en quelques mots. Impossible de pleurer, d'exprimer une quelconque émotion. Elle m'a orienté vers notre "responsable" : nous étions "checkés". Ils voulaient être sûrs que l'on soit bien rentrés. Checker notre vie. Première et dernière fois je l'espère. Une ligne était à notre disposition pour appeler la France. Mais un étudiant était déjà dessus. On m'a prêté une carte. J'ai pu appeler depuis la chambre d'une autre française. Mes parents. Enfin. Leurs voix. Les rassurer. Encore. "Tout allait bien. j'étais en sécurité. Sur le campus. Je les aimais. Oui, je ferai attention. Non non on ne nous a pas parlé de rapatriement. Oui je vous aime. "
Le soir, état de choc. On a plaisanté pour dédramatiser. Surprenant. Typiquement français? Diverses personnes sont venues nous parler. Mais ce soir là, on est restés entre français. On a discuté avec nos mots. Nos sensations, nos réactions. Sans se mentir, sans se voiler la face. Sans tenir une langue de bois comme avec nos proches. On était inquiets, on se demandait ce qu'on faisait là. On entendait les avions de l'armée tourner dans le ciel, avec leurs phares. Comme à la télé on s'est dit. On hallucinait. "Mais qu'est-ce qu'on fait là?" Nous on voulait juste découvrir les Etats-Unis, visiter, sortir, rigoler, parler. On se retrouve au beau milieu de la pire attaque terroriste qu'ait connu les USA. Plus toutes ses conséquences....
Ce jour-là, je l'ai vécu comme un vrai traumatisme. Pendant des mois, je ne supportais plus le bruit des avions dans le ciel.
Ce récit peut paraître disproportionné aujourd'hui. A vous comme à moi. Il retranscrit pourtant très exactement ce que j'ai ressenti ce jour-là.
C'est la première fois que j'écris tout ça. Il était temps.
Voilà ce que j'ai écrit le 13 septembre 2001 sur mon "journal" tenu exceptionnellement lors de mon séjour là-bas : "Les évènement datent d'il y a 2 jours. Je n'en peux plus. Nerveusement, c'est l'horreur. (...). Je suis vraiment fatiguée. Il va falloir que je fasse comme si de rien n'était demain avec papa et maman. C'est dur, c'est stressant. Je pensais être en sécurité ici sur le campus (NB : nous avons eu une alerte à la bombe 2 jours apres le 11 septembre, évacuation de tous les étudiants....)."
Je n'ai ressenti cette peur de la mort qu'une seule fois dans ma vie : ce matin là. Alors que la rumeur disait que des avions allaient s'écraser sur Washington.
Autour de moi : des stagiaires. Sarah était scotchée devant CNN. Il régnait un calme surprenant. Le choc. Pour tous ces habitants de la capitale.
On disait également à cet instant que la Maison Blanche était en feu.
La peur a failli me dévorer toute crue. Je n'arrivais toujours pas à joindre la France. Je commençais à recevoir des mails de mes amis. "réponds-moi asap", "comment vas-tu?", "vas-tu être évacuée"....
Je m'efforçais de rassurer tout le monde, mes parents les premiers. Et personne pour me rassurer. Je reçois un mail de mon prof à l'université me demandant de rentrer immédiatement sur le campus. Or à l'ambassade, on nous recommandait de ne pas sortir. A cet instant, on se demande dans quel état on va retrouver la ville. Je me suis imaginée plein de choses (l'imagination est en sur-régime ds ces instants-là..) : pillages, incendies, voitures renversées...
Je m'empresse de répondre à mon prof pour lui rapporter les conseils donnés à l'ambassade. j'en profite pour lui expliquer que les bus ainsi que le métro ne fonctionnent plus. Il me répond en me disant de rentrer immédiatement en taxi.
J'en suis à 1/2 paquet de Dunhill. Je n'ai entendu aucune voix familière en 3 heures.
Je me décide à appeler P. aux Etats-Unis lui aussi. A l'abri. Lorsque j'entends sa voix, je tremble totalement. Il est très distant, il ne se rend pas compte de la situation. J'essaie de lui expliquer mon angoisse. Il me rassure comme il peut. Me demande des nouvelles des autres étudiants français. La seule chose dont je me souviens de cette discussion, c'est le décalage entre ce que j'essayais de lui transmettre, mon angoisse, mon émotion, ma solitude et sa désinvolture lors de ses réponses. J'en ai souffert à cet instant-là et durant les semaines qui ont suivi le 11 septembre. Il ne comprenait pas. Je me souviens d'un mail que je lui ai envoyé un peu plus tard dans la journée lui demandant comment il allait. Il m'a répondu ces quelques mots : "très bien, je vais manger!". Je ne lui en veux pas du tout. Personne n'aurait pu comprendre, à part les personnes qui vivaient l'évènement d'aussi près.
Avec Sarah, nous nous sommes décidées à rentrer, en taxi. La chance ce jour là nous envoya un taxi dès notre sortie du bâtiment. Après quelques pour-parlers avec Sarah, il accepta de nous ramener sur le campus. Il ne put nous déposer là où nous le souhaitions. Les zones de sécurité étaient déjà en place. Nous avons dû montrer notre carte d'étudiante pour rentrer sur le campus.
Je me souviens être allée directement dans la chambre d'une amie, mon lunch bag toujours à la main. Lorsque je suis arrivée, plusieurs personnes étaient là regardant CNN. N. était en train de boire une canette. Elle portait ses lunettes. Lorsqu'elle m'a vue à la porte. Elle a tout lâché et m'a sauté au cou. "Mais où tu étais!!!!!!! T'as vu l'heure!!!!!!!! On est tous rentrés depuis ce matin, tu étais où??????". Je lui ai expliqué en quelques mots. Impossible de pleurer, d'exprimer une quelconque émotion. Elle m'a orienté vers notre "responsable" : nous étions "checkés". Ils voulaient être sûrs que l'on soit bien rentrés. Checker notre vie. Première et dernière fois je l'espère. Une ligne était à notre disposition pour appeler la France. Mais un étudiant était déjà dessus. On m'a prêté une carte. J'ai pu appeler depuis la chambre d'une autre française. Mes parents. Enfin. Leurs voix. Les rassurer. Encore. "Tout allait bien. j'étais en sécurité. Sur le campus. Je les aimais. Oui, je ferai attention. Non non on ne nous a pas parlé de rapatriement. Oui je vous aime. "
Le soir, état de choc. On a plaisanté pour dédramatiser. Surprenant. Typiquement français? Diverses personnes sont venues nous parler. Mais ce soir là, on est restés entre français. On a discuté avec nos mots. Nos sensations, nos réactions. Sans se mentir, sans se voiler la face. Sans tenir une langue de bois comme avec nos proches. On était inquiets, on se demandait ce qu'on faisait là. On entendait les avions de l'armée tourner dans le ciel, avec leurs phares. Comme à la télé on s'est dit. On hallucinait. "Mais qu'est-ce qu'on fait là?" Nous on voulait juste découvrir les Etats-Unis, visiter, sortir, rigoler, parler. On se retrouve au beau milieu de la pire attaque terroriste qu'ait connu les USA. Plus toutes ses conséquences....
Ce jour-là, je l'ai vécu comme un vrai traumatisme. Pendant des mois, je ne supportais plus le bruit des avions dans le ciel.
Ce récit peut paraître disproportionné aujourd'hui. A vous comme à moi. Il retranscrit pourtant très exactement ce que j'ai ressenti ce jour-là.
C'est la première fois que j'écris tout ça. Il était temps.
Voilà ce que j'ai écrit le 13 septembre 2001 sur mon "journal" tenu exceptionnellement lors de mon séjour là-bas : "Les évènement datent d'il y a 2 jours. Je n'en peux plus. Nerveusement, c'est l'horreur. (...). Je suis vraiment fatiguée. Il va falloir que je fasse comme si de rien n'était demain avec papa et maman. C'est dur, c'est stressant. Je pensais être en sécurité ici sur le campus (NB : nous avons eu une alerte à la bombe 2 jours apres le 11 septembre, évacuation de tous les étudiants....)."
Ecrit par She, le Dimanche 12 Septembre 2004, 17:54 dans la rubrique Mon journal complet.